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  • David Engels : « L’Union Européenne est impuissante lorsqu’il s’agit de défendre nos intérêts dans le monde »

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par David Engels à Breizh-Info à l'occasion de la parution de son essai intitulé Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024).

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de plusieurs essais traduits en français dont Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (la Nouvelle Librairie, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

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    David Engels : « L’Union Européenne est impuissante lorsqu’il s’agit de défendre nos intérêts dans le monde »

    Breizh-info.com : Votre livre compare l’Europe actuelle à la Rome antique en déclin. Pouvez-vous expliquer davantage les parallèles spécifiques que vous voyez entre ces deux périodes historiques ?

    David Engels : Migration de masse, baisse de la natalité, polarisation sociale, implosion de la famille, déclin de la religion traditionnelle, guerres asymétriques, mondialisation, crise de l’identité culturelle, insécurité, transformation d’un système politique participatif en oligarchie, populismes – tout ceci n’est pas le propre des 20e et 21e siècles, mais peut aussi être retrouvé à la fin de la République romaine. Les conséquences en furent d’abord une crise politique et économique endémique, puis une époque de désordres et de guerres civiles, et finalement la prise de pouvoir d’un régime autoritaire conservateur et plébiscitaire comme seul moyen de médier entre les groupes ethniques et politiques opposés – et au point où nous en sommes, je vois difficilement comment échapper à une telle évolution en France tout comme en Europe.

    Breizh-info.com :Vous critiquez le mondialisme et le souverainisme comme des extrêmes inefficaces. Comment l’hespérialisme peut-il offrir une alternative viable face aux pressions économiques et politiques mondiales ?

    David Engels : En effet. Le mondialisme adopté par l’Union européenne est le pire ennemi de la véritable identité européenne, car il nie à la fois les spécificités nationales et civilisationnelles et ne retient de notre histoire que l’humanisme et l’universalisme dont l’idéologie néfaste du wokisme n’est pas un accident de parcours, mais le résultat logique. Mais le souverainisme, bien que je puisse très bien le comprendre psychologiquement comme un genre de retour à une position de défaut face à l’universalisme, est également problématique. Car diviser à nouveau l’Europe en une trentaine d’États-nations dont la plupart n’ont aucun poids sur l’échelle internationale va permettre la fragmentation de notre espace civilisationnel dont les conflits d’intérêts vont tôt ou tard permettre aux autres grandes puissances – États-Unis, Russie, Chine, monarchies du Golfe, bientôt aussi l’Inde et le Brésil – de s’immiscer encore plus impunément qu’actuellement dans nos affaires. L’hespérialisme propose une voie du milieu : coopérer étroitement dans tous les domaines qui relèvent de la défense des intérêts vitaux de notre civilisation – accès aux ressources stratégiques, contrôle des frontières extérieures, défense et politique étrangère commune, recherche scientifique de pointe, voies de communications continentales, intercompatibilité juridique et économique – tout en restituant le reste des compétences aux États-nations. L’Union européenne est faible vers l’extérieur et forte vers l’intérieur ; il faudrait plutôt le contraire.

    Breizh-info.com : Vous proposez le concept d’hespérialisme comme une « troisième voie » pour l’Europe. Quelles seraient, selon vous, les premières étapes concrètes pour mettre en œuvre cette idéologie dans les politiques européennes actuelles ?

    David Engels : Tout d’abord, insistons bien sur le fait qu’un tel revirement institutionnel n’a de sens qu’après une véritable révolution idéologique, car je serai le dernier à vouloir attribuer à Ursula von der Leyen le contrôle d’une armée européenne. Cette révolution idéologique impliquerait le refus du wokisme et le retour à une vision plutôt identitaire et civilisationnelle de ce qui nous rend Européens. C’est une évidence historique qu’un Portuguais est plus proche d’un Polonais, qu’un Norvégien est plus proche d’un Italien, qu’ils le seraient tous d’un Marocain, d’un Indien ou d’un Chinois : de nombreux siècles de foi commune, de rêves partagés et d’interactions intenses ont façonné une véritable communauté de destin. Jusqu’au milieu du 20e siècle, personne n’aurait sérieusement mis en doute cette identité commune ; paradoxalement, seule l’idéologie du libéralisme, qui a uniquement misé sur « l’humanisme » global, qui a convaincu l’Européen à confondre sa propre identité collective du moment avec celle de l’humanité entière. Dès lors, la première étape de la lutte pour l’Europe est d’ordre identitaire et culturel : les différents patriotes nationaux devront intégrer la civilisation européenne dans leur vision politique et établir une vision cohérente en étroite interaction avec leurs partenaires.

    Breizh-info.com : Vous mentionnez que la civilisation européenne a créé quelque chose de totalement nouveau à partir de ses racines historiques, ce que vous appelez « l’esprit faustien ». Pouvez-vous développer sur ce concept et comment il influence encore aujourd’hui la civilisation occidentale ?

    David Engels : En effet. Certes, nos racines culturelles sont extrêmement variées et remontent loin dans le passé, englobant essentiellement l’héritage de l’Ancien Proche Orient, de la civilisation gréco-romaine, du christianisme primitif et des traditions des peuples païens tels que les Celtes, les Germains et les Slaves. Mais ce qui nous rend véritablement européen, ce n’est pas juste l’addition des strates de notre passé, c’est cette mentalité « faustienne » qui émerge au début du Moyen-Âge et qui nous rend totalement différents des autres grandes civilisations. L’homme faustien est caractérisé par un élan compulsif vers l’infini, vers la transgression ultime ; une tendance à la fois admirable et néfaste, car dans une première phase, durant ce que nous appelons le « Moyen Âge », elle se dirigeait vers Dieu, mais dans une seconde, qui correspond au temps modernes, vers la matière. Cathédrale gothique et gratte-ciel américain ne sont que les deux faces d’une même médaille, thèse et antithèse.

    Breizh-info.com : L’identité européenne, selon vous, puise ses racines dans plusieurs cultures anciennes, comme les traditions gréco-romaines et chrétiennes. Comment voyez-vous l’intégration de ces racines multiples dans une Europe de plus en plus multiculturelle ?

    David Engels : Actuellement, nous sommes face à un double problème assez typique pour chaque civilisation tardive : d’un côté le multiculturalisme, d’un autre la « sortie de l’histoire » de bon nombre d’Européens de souche. Comment intégrer les premiers, et comment ré-européaniser les seconds ? En ce qui concerne les personnes d’origine immigrée, il est évident que, même en appliquant un régime stricte de « rémigration » des illégaux, il restera le problème immense de dizaines de millions de personnes possédant, parfois depuis des générations, la citoyenneté européenne restant néanmoins souvent hostiles face à notre civilisation. Pour résoudre ce dilemme, nous pourrions nous inspirer de la politique culturelle d’Auguste qui, dans une situation analogue, a réussi le pari de transformer l’identité romaine d’une identité essentiellement ethnique en une identité civilisationnelle à la fois inclusive et conservatrice. Ainsi, ce n’était qu’en montrant des preuves de loyauté par rapport à l’État – par le service militaire, l’apprentissage du latin, la prise de la toge, l’exercice du culte impérial ou l’évergétisme citoyen – que les non-Romains gagnaient le droit d’être intégrés plus activement dans la citoyenneté et de pouvoir monter les échelons de la société romaine. Chez nous, être un Européen devrait de nouveau être un but enviable, non une source de gêne et de mauvaise conscience. Ceci devrait aussi animer la ré-européanisation des Européens : certes, c’est le propre d’une civilisation tardive que de plus en plus de citoyens « sortent » de la civilisation pour rentrer dans la « post-histoire », mais il y a moyen à la fois d’assurer la formation d’une solide élite patriotique et de réunir les masses autour d’une certaine fierté culturelle, certes superficielle, mais suffisante à éviter l’auto-destruction totale de la civilisation.

    Breizh-info.com : Votre analyse s’inscrit dans une perspective hégélienne de l’histoire, avec des phases thétiques, antithétiques et synthétiques. Pensez-vous que l’Europe est déjà entrée dans sa phase de synthèse, ou sommes-nous encore dans l’apogée de l’antithèse ?

    David Engels : Les deux, car comme toujours en histoire, les différentes phases ne sont pas nettement séparées les unes des autres, mais se recoupent partiellement. Ainsi, le wokisme est sans aucun doute le point culminant de cette antithèse matérialiste, pseudo-humaniste, rationaliste et universaliste, et nous nous approchons du moment où le wokisme se mènera à l’absurde et engouffrera avec lui toutes les certitudes sur lesquelles le monde moderne s’est construit depuis un demi-millénaire. En même temps, nous voyons aussi apparaître les premiers symptômes de ce que j’appelle la phase de synthèse, c’est-à-dire le « retour rationnel à la tradition ». En effet, le rationalisme, mené à l’absurde, ramène les Européens à se rendre compte que seule la tradition peut fournir une base solide pour stabiliser à nouveau notre civilisation, mais ce renouveau de la tradition sera voulu, choisi, rationnel, même partiellement artificiel, alors que la tradition originelle, celle du Moyen-Âge, était instinctive, sans alternative, héritée, organique. Et si nous regardons autour de nous, du néo-paganisme aux démocraties illibérales et du néo-classicisme dans l’art jusqu’aux trad-wifes et à l’engouement de la jeunesse pour le catholicisme traditionaliste, nous voyons partout des premiers indicateurs d’un tel changement de paradigme.

    Breizh-info.com : Comment envisagez-vous le rôle du christianisme, que vous identifiez comme l’une des racines essentielles de l’Europe, dans le renouveau que vous appelez de vos vœux ?

    David Engels : Il va de soi qu’au cœur du retour à la tradition se trouvera un renouvellement du christianisme, voie d’accès à la transcendance privilégiée et prioritaire des Européens. Néanmoins, il ne faudra pas se faire d’illusions : les larges masses post-historiques sont incapables, du moins pour le moment, d’un tel revirement qui sera, dès lors, l’apanage d’une petite élite seulement ; tout comme dans le principat augustéen, le retour à la tradition et la restitution de l’ancienne religion républicaine étaient essentiellement l’œuvre d’une petite élite politique et intellectuelle, mettant en œuvre un programme de restauration dont les foules ne voyaient et comprenaient que l’aspect purement patriotique, voire opportuniste. Ce n’est qu’une fois la civilisation touche vraiment à la fin de son cycle de vie que les anciennes croyances, revisitées par cette canonisation « augustéenne », célèbrent leur véritable retour en tant que phénomène de masse, mais sous une forme assez primitive, stérile et ouverte aux syncrétismes, bien loin de la créativité et du dynamisme de la phase thétique initiale. D’ailleurs c’est aussi à ce moment que se décide la question de savoir si ce qui reste d’une civilisation va tomber sous l’emprise d’une autre religion, voire d’une autre civilisation, comme cela a été le cas avec l’empire romain et le christianisme, l’empire chinois des Han et le bouddhisme, ou l’Iran post-sassanide avec l’islam.

    Breizh-info.com : Votre livre se termine sur une note d’espoir pour un « retour rationnel à la tradition ». Comment concilier ce retour avec les valeurs contemporaines telles que les droits de l’homme et la démocratie libérale ?

    David Engels : La clef se trouve dans le terme « rationnel » : ma vision de l’histoire n’est pas cyclique, mais plutôt dialectique. La synthèse n’est donc pas un simple retour aux origines ; c’est le moment où la raison est transcendée par la tradition, ce qui constitue aussi le point final de l’histoire d’une civilisation et le moment où tout son potentiel inhérent s’épuise. Il va de soi que cette synthèse conserve, bien qu’en les sublimant, les acquis précédents. Tout comme l’art augustéen prétend restaurer l’art archaïque avec une technologie hellénistique extrêmement moderne ; tout comme l’empire chinois des Han prétend restituer celui des Zhou tout en se servant sans scrupules des institutions et des concepts des Qin ; tout comme la troisième dynastie d’Ur prétend restaurer les origines primordiales de l’époque de Gilgamesh tout en continuant les pratiques de l’empire d’Akkad, le « retour rationnel aux origines » en Europe tentera de combiner archaïsme et modernisme en un genre d’archéofuturisme. D’ailleurs, cela n’ira sans doute pas sans heurts et artificialités, voire hypocrisie : Auguste tenta bien de restituer l’importance du mariage, de la famille et d’une abondance de descendants ; toujours est-il que les Romains préféraient largement leur mode de vie concupiscent, et que même l’empereur, deux fois mariés, n’eut qu’une seule fille dont les aventures sexuelles étaient connues partout dans l’empire…

    Breizh-info.com :Dans votre ouvrage, vous semblez suggérer une continuité entre le Saint Empire Romain et la situation actuelle en Europe. Pouvez-vous expliquer comment cette référence historique pourrait inspirer les leaders européens d’aujourd’hui ?

    David Engels :  L’Union européenne est impuissante lorsqu’il s’agit de défendre nos intérêts dans le monde, car son universalisme lui interdit une véritable politique volontariste et patriotique. En même temps, l’UE est de plus en plus autoritaire lorsqu’il s’agit d’imposer ses choix aux États-nations. Pour forcer un peu le trait : l’Europe se laisse constamment marcher sur les pieds par les autres grandes puissances, mais quand il s’agit d’imposer à un continent entier l’utilisation de bouteilles en plastique avec capsule attachée, l’UE fait des miracles. Ce qu’il faut, c’est renverser cette tendance : force et fierté à l’extérieur, liberté et subsidiarité à l’intérieur. L’exemple idéal pour un tel État supranational libre, c’est le Saint Empire : pendant un demi-millénaire, il a réussi à défendre ses frontières avec succès tout en garantissant la liberté et la diversité d’innombrables royaumes, duchés, cités ou prince-évêchés de la Provence jusqu’en Poméranie et des Pays-Bas jusqu’au cœur de l’Italie – et ce en conservant même l’exemple romain républicain de l’élection de l’empereur. Ce n’est qu’une fois l’unité du monde chrétien fracassé par le protestantisme et le nationalisme que le Sacrum Imperium est entré en décroissance, bien que, du moins en principe, il a survécu sous forme de l’empire austro-hongrois jusqu’en 1918. Si nous voulons vraiment réenraciner l’Europe dans sa propre histoire et une attitude positive face aux grandes idées de notre passé telles que la chrétienté et l’empire, le Sacrum Imperium est l’exemple idéal.

    Breizh-info.com : La montée des nationalismes en Europe est souvent perçue comme une réaction à la globalisation. Comment l’hespérialisme pourrait-il répondre aux préoccupations légitimes des populations tout en évitant les écueils du repli sur soi ?

    David Engels : Parler d’une construction politique idéale est une chose ; la mettre en œuvre dans la réalité une autre. Je pourrais vous parler longuement, comme j’ai tenté de le faire dans mon livre, des diverses institutions et équilibres politiques à prévoir. Mais le fait est que l’Europe n’est ni une île, ni au sommet de sa force comme au 19e siècle. Notre continent est menacé de partout, à l’intérieur comme de l’extérieur. Ce qui est en jeu, c’est à la fois notre survie en tant que civilisation (mise en péril par l’immigration de masse et le wokisme) et notre liberté (en voie d’être abrogée par notre vassalisation par les autres grandes puissances politiques et évidemment économiques). C’est peut-être paradoxal, mais si nous voulons sauver nos identités nationales, l’Europe doit redécouvrir son patriotisme, retrouver sa fierté civilisationnelle se muer en superpuissance, sinon, nous allons devenir un croisement entre un musée en plein air pour Chinois et Américains et un échiquier commode pour les guerres mondiales futures des autres grandes puissances.

    David Engels, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-info, 8 octobre 2024)

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  • Vers la fin des états-nations en Europe ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 27 septembre 2024 et consacrée à la bascule de pouvoir, en train de se produire, des capitales des États européens vers Bruxelles.

     

                                                

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  • La guerre d’Ukraine, un révélateur impitoyable...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Bernard Pinatel cueilli sur Geopragma et consacré à la soumission de l'Union européenne aux intérêts des États-Unis. Officier général en retraite et docteur en sciences politiques, Jean-Bernard Pinatel, qui a déjà publié plusieurs essais dont Carnet de guerres et de crises 2011-2013 (Lavauzelle, 2014), est vice-président de Geopragma.

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    La guerre d’Ukraine, un révélateur impitoyable

    La guerre en Ukraine est un révélateur impitoyable soit de la soumission des dirigeants européens à des intérêts qui ne sont pas les nôtres, soit, si on veut leur laisser le bénéfice du doute, de leur totale incompétence géopolitique.

    Ils n’ont pas compris ou n’ont pas voulu croire que Biden et les stratèges qui l’entourent prenaient très au sérieux la menace de Poutine d’utiliser si nécessaire l’arme nucléaire dans une guerre que les Russes perçoivent comme défensive de leurs intérêts vitaux. Avec pour conséquence les consignes données par Biden au Pentagone et à son administration dès le 24 février 2022 et que « The Economist  (1) » a révélé en septembre 2023 : « Joe Biden, America’s president, set objectives at the start of Russia’s invasion : to ensure that Ukraine was not defeated and that America was not dragged into confrontation with Russia (2) . » 

    Avec comme conséquence dramatique que, depuis le 24 janvier 2024,  l’Ukraine a sacrifié la vie de centaines de milliers de ses citoyens non pas pour repousser victorieusement l’agression russe mais pour interdire à l’économie européenne de disposer en Russie de l’énergie abondante et peu chère dont elle a besoin et pour favoriser l’économie énergétique américaine et ses industries d’armement.

    Ils ont cru ou voulu nous faire croire avec Bruno Lemaire que l’on pourrait stopper l’agression de la Russie par des sanctions qui « mettraient à genoux » son économie alors qu’elles se sont retournées contre nous.

    Ils n’ont pas anticipé le refus de 162 états sur les 195 que compte notre planète de voter les sanctions qu’ils ont décidées unilatéralement. Ainsi plus de 80% des pays du monde ont continué à commercer avec la Russie et de nombreuses entreprises des états qui avaient décidé de les appliquer ont continué à le faire en les contournant.  Ces pays et ces entreprises se sont senties confortées dans leur refus d’appliquer les sanctions par les déclarations des autorités chinoises et indiennes qui ont rappelé aux Etats-Unis leur responsabilité d’avoir bafoué les premiers les règles internationales par leurs interventions au Kosovo et en Irak, déclenchées sous de fallacieux prétextes, ouvrant ainsi la porte à la Russie. 

    Ils ont espéré, en diabolisant Poutine, que les Russes se débarrasseraient de lui sans avoir conscience que, dans leur immense majorité, ces derniers sont reconnaissants à leur Président d’avoir entre 2002 et 2012 multiplié par dix leur niveau de vie et de leur avoir donné la fierté d’être redevenu une nation puissante et respectée.

    A part la minorité argentée qui a quitté la Russie, ils ont cru que les Russes n’étaient que des moujiks incultes et qu’en fournissant aux ukrainiens quelques armes d’une technologie militaire intelligente et précise comme les drones pour l’observation et les canons César ou les Himars pour la puissance de feu, ils allaient les conduire facilement à la victoire. Au lieu de cela, ils ont dû admettre à regret que la Russie s’était adaptée très rapidement à ces innovations, que leurs très nombreux et compétents ingénieurs (3) avaient trouvé et mis en place rapidement des parades électroniques qui avaient annihilé cet avantage. Bien plus, ils se sont rendu compte que les canons et les munitions des années 80, utilisés massivement par les Russes qui les avaient stockées au lieu de les mettre au rebut comme nous pour éviter de payer les coûts humains et de fonctionnement de leur stockage, causaient des ravages dans les rangs ukrainiens. Et, à la fin de l’année 2023, ils ont dû se résoudre à accepter que l’armée russe fût plus forte (4) qu’au début de l’offensive et que la contre-offensive ukrainienne s’était soldée par un échec cuisant.

    Toutes ces erreurs d’analyse géopolitique ajoutées à la désinformation permanente distillée par les médias européens ont amené nos dirigeants, dont le Président Macron, à croire ou à vouloir faire croire que le succès des forces ukrainiennes était certain et ils ont encouragé sans relâche le Président Zelensky à continuer la guerre en s’engageant à l’aider « jusqu’à la victoire. » Au lieu d’avoir fait l’effort de rechercher avec la Russie un compromis qui prenne en compte ses besoins de sécurité, Ils seront devant l’histoire co-responsables des 500 000 ukrainiens tués ou gravement blessés à ce jour. 

    Après deux ans de guerre, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne estiment qu’ils ont atteint leur objectif : éviter la création de l’Eurasie en créant un mur de haine entre l’Europe et la Russie et, pour se désengager de ce conflit, ils demandent à l’UE de monter en première ligne. 

    C’est pour cela, que depuis le début de l’année 2024, on entend un discours nouveau des dirigeants européens, dociles affidés des intérêts anglo-saxons, nous engageant à préparer une guerre longue. 

    Grossissant démesurément la menace que la Russie ferait peser sur l’Union Européenne alors qu’en deux années de combat acharnés, elle n’a été capable de conquérir et de conserver que 17% du territoire ukrainien peuplé de Russes et d’Ukrainiens déterminés à conserver leur culture russophone.

    Bien plus, ils cherchent à nous convaincre que la Russie menace l’UE et que pour notre sécurité il faut aider encore plus l’Ukraine, quitte à laisser disparaitre la moitié de nos agriculteurs.

    Last but not least, des voix s’élèvent ici et là, y compris dans la bouche du Président Macron, pour évoquer la possibilité ou même pour prôner l’envoi de nos soldats sur le champ de bataille. Ces propos sont relayés dans les médias par des intellectuels et des soi-disant spécialistes de défense qui, au lieu d’utiliser leur intelligence pour proposer un chemin vers la Paix, tiennent le discours habituel des bellicistes de salon : « armons-nous et partez. »

    « L’Europe c’est la Paix » le slogan fondateur de l’Union Européenne est-il en train de devenir obsolète ?

    Jean-Bernard Pinatel (Geopragma, 4 mars 2024)

     

    Notes :

    1. Est un hebdomadaire britannique majoritairement détenu par la famille Agnelli avec une participation des familles Rothschild, Cadburry et Shroders, dont la ligne éditoriale du journal est proche du patronat et des milieux financiers internationaux. Il est considéré comme un des médias les plus influent dans le monde occidental.

    2. Joe Biden, président américain, a fixé des objectifs au début de l’invasion Russe : « S’assurer que l’Ukraine ne sera pas vaincue et que l’Amérique ne sera pas entraînée dans la confrontation avec la Russie. »

    3. « Ce qui distingue fondamentalement l’économie russe de l’économie américaine, c’est, parmi les personnes qui font des études supérieures la proportion bien plus importante de celles qui choisissent de suivre des études d’ingénieurs : vers2020,23,4% contre 7,2% aux Etats-Unis. » Emmanuel Todd, la défaite de l’occident, Gallimard, page 50.

    4. Comme l’avait déclaré le général Cavoli qui commande l’OTAN en avril 2023 devant une commission du Congrès des USA, déclaration révélée six mois plus tard par le Washington Post.

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  • Comment contrôler les frontières européennes ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Fabrice Leggeri, l’ancien directeur de Frontex, l’agence européenne de contrôles de nos frontières, à Livre noir, pour évoquer les turpitudes de l'Union européenne en matière de lutte contre l'immigration illégale.

     

                                              

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  • Union européenne et République romaine : même destin ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné récemment par David Engels à la chaîne Haltérophilo et consacré à son essai intitulé Le déclin (Le Toucan/L'Artilleur, 2013), qui a été réédité en 2019.

     

                                              

    " Dans son ouvrage intitulé "Le Déclin", David Engels scrute minutieusement les nombreuses analogies entre le déclin de la République romaine et la crise actuelle au sein de l'Union européenne. De la question des avortements aux défis du mariage et à la baisse de la natalité jusqu'à la célèbre maxime "Panem et circenses", toutes ces similitudes sont explorées. Nous évoquons aussi à la possible cyclicité des époques, avec ses phases distinctes de croissance et de déclin, offrant ainsi une perspective temporelle et historique. Enfin, nous soulevons la question cruciale de savoir s'il convient de décrire le destin de l'Europe comme un acte suicidaire ou un meurtre délibéré. "

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  • Ambition, gesticulation, consolation… ou négociation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré à l'ouverture des négociations d'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

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    Ambition, gesticulation, consolation… ou négociation ?

    Lors du Conseil Européen des 14 et 15 décembre dernier, l’Union européenne a décidé d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine (et la Moldavie). V. Zelensky s’est empressé de saluer « une victoire pour l’Ukraine, pour toute l’Europe, une victoire qui motive, inspire et rend plus fort ».

    Vraiment ?

    On peut voir dans cette décision une grande ambition : l’ambition de renforcer l’Europe en lui permettant d’englober tous les pays pouvant être considérés, fut-ce parfois au prix d’un certain effort, comme des démocraties ; l’ambition de manifester sa détermination à se défendre solidairement contre les agressions extérieures ; l’ambition de montrer son unité (même s’il a fallu, pour ce faire, demander à la Hongrie de se livrer à une gymnastique étrange et juridiquement douteuse).

    Mais on peut aussi l’interpréter comme une simple gesticulation : tout compte fait, négocier n’engage pas à grand-chose car les pourparlers peuvent durer longtemps ; la Turquie, avec qui les négociations d’adhésion ont été ouvertes en décembre 2004, en sait quelque chose, de même que la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie qui, bien que reconnus officiellement candidats, piaffent devant la porte. Ouvrir des négociations, cela permet de faire plaisir à bon compte.

    La décision peut ainsi n’être qu’un lot de consolation. Ce que le président Zelensky veut avant tout, ce qu’il réclame en multipliant les déplacements à Washington (trois en 2023) et dans les capitales européennes, c’est des armes et de l’argent. Or le Congrès des Etats-Unis s’est séparé en décembre sans voter l’enveloppe de 61 Md$ que Joe Biden réclamait pour Kiev et les Européens ne se sont pas mis d’accord pour débloquer l’aide de 50 Md€ convoitée par l’Ukraine. Les premiers, les Etats-Unis, considèrent que la stabilité du Moyen Orient recèle des enjeux bien plus importants pour leurs propres intérêts que la couleur du drapeau flottant sur le Donbass ; les seconds, les Européens, ont déjà puisé autant qu’ils le pouvaient dans leurs stocks d’armes et de munitions et n’ont ni les ressources financières, ni les capacités industrielles pour les reconstituer rapidement et continuer leurs générosités.

    Une « victoire pour l’Ukraine, pour toute l’Europe », vraiment ?

    De toute façon personne ne sait ce qu’il faut entendre ou espérer par « victoire », un concept toujours invoqué mais jamais défini.

    L’important n’est peut-être pas là.

    L’important, c’est tout d’abord, à court terme, de savoir si la décision d’ouvrir les discussions d’adhésion à l’UE est de nature à enrayer la guerre, à éviter de nouvelles hécatombes et de nouvelles destructions et à convaincre les protagonistes d’échanger des paroles et non plus des obus. A cet égard le « déluge de feu et d’acier » qui, si l’on en croit la presse, s’abat depuis la fin décembre de part et d’autre de la ligne de front, et surtout en Ukraine, suffit à laisser penser que l’ouverture des négociations avec l’UE n’a pas plus d’effet que l’interdiction d’acheter des diamants russes, objet du dernier « paquet » de sanctions européennes. C’est que la Russie, sans le dire, a mis en place une véritable « économie de guerre » alors que les Européens préféraient le dire sans le faire. Qu’on le veuille ou non, et l’échec de la contre-offensive ukrainienne l’a montré, la Russie est aujourd’hui en position de force sur le terrain ; elle le sera peut-être demain aussi dans un nombre croissant de chancelleries et d’opinions publiques gagnées par la lassitude ou privilégiant d’autres conflits. Qui peut penser qu’ouvrir aujourd’hui les négociations d’adhésion de l’Ukraine, c’est à dire se priver sans contrepartie d’un élément important de négociation qui serait précieux dans le cadre d’un futur deal global, a des chances d’amener son ennemi à faire taire ses canons et à venir s’asseoir à la table des négociations ?

    L’important est aussi, à moyen terme, de savoir si cette décision d’ouvrir des discussions d’adhésion est de nature à favoriser un équilibre durable en Europe. Car il faudra bien qu’un jour les parties occidentale et orientale du continent européen s’acceptent l’une l’autre et apprennent à vivre ensemble. Un pays (ou un groupe de pays) qui connaît une paix durable est un pays qui a su trouver avec ses voisins un modus vivendi acceptable par tous : cela correspond rarement à ce que lui-même avait au départ souhaité. Aujourd’hui les deux parties du continent ne commercent plus entre elles, n’ont plus de relations culturelles, ne communiquent plus que par des invectives et des menaces. Sous les yeux d’un « Sud profond » indifférent, qui montre clairement son désintérêt, d’un côté le « monde occidental » cherche avant tout à raffermir ses liens et parler d’une seule voix, celle des Etats-Unis, de l’autre côté la Russie renforce ses liens avec Chine, Turquie, Iran, Corée du Nord, pays qu’il serait préférable d’éloigner, et non de rapprocher, de nos frontières. Dès lors, l’entrée de l’Ukraine dans l’UE favorise-t-elle l’établissement d’une paix durable ou éloigne-t-elle cette perspective ? Est-il judicieux d’accroître de près de 1600 km les frontières avec un pays considéré comme un ennemi menaçant ? En outre V. Poutine, s’il contrôle aujourd’hui solidement son pays, n’est pas éternel.

    La revue Foreign Affairs, dont il est peu probable que la rédaction ait été infiltrée par des hackers russes, a écrit en novembre que « l’Ukraine et l’Occident sont sur une trajectoire insoutenable, caractérisée par une inadéquation flagrante entre les fins et les moyens disponibles… Le temps est venu pour les Etats-Unis d’entamer des consultations…». Plutôt que de se rejeter mutuellement la responsabilité du conflit, plutôt que de répéter à l’envi la nécessité de « gagner la guerre », sans d’ailleurs savoir ce que cela signifie, plutôt que de conforter ceux qui, pour des raisons diverses, ont, dans les deux camps, intérêt à ce que la guerre continue longtemps, n’est-il pas nécessaire de chercher à ouvrir des négociations entre les belligérants et, sans doute, ceux qui les soutiennent ? Les dirigeants européens affirment que Vladimir Poutine n’en veut pas. Qui croira qu’engager la procédure d’adhésion de l’Ukraine à l’UE le fera changer d’avis ?

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 8 janvier)

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